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 Sur Pommerat : Ca tourne

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AuteurMessage
Pierre




Messages : 3
Date d'inscription : 01/10/2009

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MessageSujet: Sur Pommerat : Ca tourne   Sur Pommerat : Ca tourne I_icon_minitimeLun 8 Fév - 21:49

Peut-être est-il rare de trouver un titre seyant aussi bien à ce qu’il désigne ; un titre qui tire son public à ce qu’il renferme, puis éclaire le spectacle de lui-même. Ce titre est l’enveloppe, en même temps que la lumière même de la nouvelle création de Joël Pommerat ; car ses deux termes semblent parfaitement accordés à ce qui s’est passé, devant nous, l’autre soir aux Bouffes du Nord. Cercles/Fictions : lequel des deux choisir ? Aucun – prenez tout. Cercles, fictions : chacun déploie soudain son mystère, son sens. On s’attendait bien à ce qu’il y en ait, alors, des cercles, des fictions ; mais lesquels ? Cercles : la belle salle est devenue un cirque. Fictions : le théâtre va nous en dire.

Cercle : on en a fait un cliché, de cette roue du temps ; mais parfois il ne nous reste que le cliché, l’image, pour avoir prise sur ce que l’on aimerait dire autrement, et qui se dérobe. Ceci pourrait être une grande fresque éclatée du temps et de la mémoire : la narration, éparpillée en courts moments, suit la scène découpée et construite par la lumière. Il semble qu’il revienne aux personnages eux-mêmes ces divers « moments » et « lieux » qu’on nous présente dans des allers-retours à travers l’histoire et les intimités. L’arrivée d’un couple de domestiques, l’annonce de la guerre, le départ de l’homme sont quelques exemples de ce tableau composé ne niant jamais le temps, mais au contraire faisant de l’histoire sa matière et sa force premières, tout en se permettant des libertés avec l’événement chronologique. Pommerat mobilise sans cesse des signes d’époques qui ne trompent pas – le chevalier, la salle à manger, la boîte de nuit ; ils nous ancrent, pour un instant, dans un temps donné ; et pourtant, ces signes résonnent si bien entre eux que l’on est de plus en plus « nulle part ». Des domestiques écrasés par la drogue ou plutôt par leur tâche d’abandonner un bébé, un futur directeur général halluciné par une clocharde ou par son ambition, tous se perdent. Comme dans la pénombre de cette forêt ou de ce parking, on avance à tâtons dans ce nulle part bizarre où le rêve, les angoisses nous côtoient.

J’ai pensé à cette histoire policière de James Lee Burke, mise au cinéma par Tavernier l’année dernière, où un vieux général confédéré vient visiter un enquêteur de la Nouvelle Orléans ; ici, un chevalier agonisant et pascalisant surgit de cette ombre séparant les différentes scènes. Les fantômes, tout aussi réels que le reste, viennent se rappeler à notre mémoire et nous accompagnent. Ce chevalier fait partie de toutes les fictions qu’on nous raconte : les plus vieilles, celle de la Table Ronde, comme nos plus contemporaines – celle de nos chevaliers prétendus, dirigeants, directeurs, les entrepreneurs courageux, les patrons héroïques. De l’animateur en blanc au blond PDG battant, du charlatan à un autre c’est une grande panoplie de marchands de sommeil modernes qu’on nous expose ici, une série de discours, de fictions faussement bienveillants. Ils le disent eux-mêmes : ils « jouent », et le jeu consiste à « croire ». Il ne faudrait pas faire de la pièce profonde de Pommerat un simple discours réflexif sur l’art théâtral ; certes on nous y demande de jouer et de croire, et l’on a face à nous des joueurs qui croient peut-être à ce qu’ils font… mais Cercles/Fictions semble plutôt nous intimer, paradoxalement et par l’absurde, le conseil de ne pas jouer, de ne pas croire à tout cela. Toutes ces histoires à dormir debout sont passées au crible ; il y a une résistance en germe dans ce texte ; elle passe parfois par la satire sociale, mais elle se traduit avant tout par l’exposé de souffrances, de troubles qui touchent les relations humaines.

C’est sans doute la première fois que l’on a mis mes sens à si rude et jouissive épreuve. Ceci est un spectacle qui fait sentir à proprement parler : les odeurs du narguilé de maison, de la forêt humide, du cheval médiéval. Ces odeurs ne sont-elles qu’artificielles ? Et cette guerre qui hante les alentours, qui gronde, une fiction, un grand jeu, aussi ? Non : non, l’affrontement, la compétition des hommes est un cercle sans qui n’a rien d’imaginaire. Le dialogue lumineux de tous ces rôles, de toutes ces situations, rendu par une troupe caméléonesque, nous expose étrangement le monde tout en nous en détachant.
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